Zone automatique

 Plus froide qu’une vierge qui n’en démord pas, telle est ma chambre. Debout, assis puis allongé, j’argumente sévère et finis par en venir aux mains avec le mur.

 

Comme un appel au vice, les cadavres en ont profité pour sortir leurs sourires. Cette nuit sera donc sans pitié. Range le sens ; les courroies s’entrechoquent, le lit nie, le regard se vide, l’annuaire m’appelle à telle page, telle lueur. Mais l’essentiel est qu’il y ait du mouvement.

 

Ensuite, il faut trouver un coupable, pour s’unir en meute urbaine. La différence, c’est que celle-ci n’a rien à perdre. Enfin, on se rue dans la grand-rue, sans fleurs, sans fusils, juste avec le sens. Le mouvement « vrai » naît de lui-même et vomit ses usurpateurs riches d’ambition. Le sens en question n’est pas précis, car nous n’avons ni présidence ni direction. On finit par se frôler entre sexes supposés opposés ; on se respire, on ne fait qu’attirer sans tirer (ni fusils, ni fleurs). J’ai rêvé à des instants plus calmes, pourtant, oh ! surprise, ici j’adore. Mais voilà que les voûtes s’effondrent et laissent place à des idées en cascades, denses et dansantes. J’ai fait mon taf ; lancé le processus. Le reste reste incontrôlable et je rentre me saouler. À la lueur d’une bougie, je vacille en attendant une autre ère. Rien n’a plus de secret pour moi ; je contrôle désormais tous les aspects de ma vie médicale, sociale, psychologique, pathologique... et me fais chier en toute logique.

 

Ces révoltes sont restées jusqu’ici essentiellement intérieures, et contrôlées à l’extrême. Les rapports avec la réalité ne sont que le fruit de clichés digestes. Quand je dis que « j’ai rêvé à des instants plus calmes », je me mens pour me tester. En réalité, je ne vis que pour le mouvement, la confrontation, la confusion, la remise en cause. Alors pourquoi cette immobilité de ma part ? J’ai tout simplement été bouffé par ce climat tempéré, cet air pur, cette nourriture saine, ces paysages agréables, voire magnifiques, ces musiques douces et fabuleuses, cet écran complaisant... J’en oublie, tellement c’est évident. Je n’ai vécu que dans « l’à peu près » et le « il paraît que ». Je ne prendrai pourtant pas la peine d’élever le ton, afin affirmer combien c’est injuste… Bien au contraire... Mais alors, « à quand une réaction ? » s’inquiète mon orgueil dans un bâillement. « Rendors-toi ! » renchérit mon autre moi plus conforme au confort qu’à l’effort.

 

© A. Guéguen

Photo © Nicolas Guéguen