Retrouvailles (extrait de "Massacre ?")

© Nicolas Guéguen
© Nicolas Guéguen

  

La plupart de ces personnes n’avaient finalement que très peu changé. Le film auquel nous assistions constituait, de ce fait, une simple suite logique à des débuts eux-mêmes évidents. Un peu plus d’assurance chez l’une, un peu moins chez l’autre ; comme un resserrement des différences, ou disons le résultat quasi final d’une mise en conformité. Les excités avaient depuis longtemps été calmés, les extrémistes recentrés, anarchistes phagocytés, grunges et communistes avalés et recrachés en consommateurs standardisés... Quant aux ambitions ne cadrant pas avec les tacites lois sociales, elles s’étaient muées en mous compromis. Ainsi, les plus récalcitrants avaient fini par comprendre l’impossibilité pour un être issu du troupeau de s’extraire de celui-ci. Chacun à sa place, sauf dérogation accordée par la loterie existentielle. Au milieu de ton milieu tu demeureras, parmi ceux qui t’ont vu naître, ceux qui savent l’origine de tes qualités, bien au chaud, au sein de la triste matrice fardée en juste bienfaitrice. Domptés, de gré ou de force… mais surtout à force de dogmatiques slogans et de minuscules plaisirs inoculés dans nos tyranniques synapses… Une fois nourris ces petits tyrans, voyez l’esclave grandir en vous, ce malheureux camé contraint d’arborer l’apparence d’une joie feinte, joie contractuelle, fausse joie fondant le socle d’un prosélytisme mutuel et généralisé. Voyez ces affreux sourires, clonesques, systématiques, nés de l’impératif catégorique marchand et non de la singularité d’un instant. Ces sourires signifiant l’impossibilité pour l’autre d’échapper à la bienveillante surveillance.

 

© A. Guéguen