Eternité ?

Quel agneau paisible j’étais, dans l’ensemble ! Je n’exigeais qu’une chose dans le fond de mon aquarium : la vie éternelle. Mais n’est-ce pas trop demander lorsque l’on n’est qu’un animal, une machine de Dieu ? C’est en substance la réponse que tu m’as adressée. Ne nie pas, Illusion ! « Un ver de terre », m’as-tu dit, « au nom de quoi, l’un de mes milliards de trilliards de vers de terre pourrait-il prétendre à ce privilège ? On vous donne ça, vous voulez ça ! Y’a quelque temps, vous avez demandé à vivre plus vieux, ça a défilé, ça a protesté et j’ai alors cédé. Maintenant, c’est du soixante-quinze ans de moyenne pour les nantis dans votre genre. Déjà pas mal, non ? J’ai fait des efforts, mais je dois respecter les équilibres écologiques, chacun son tour et tourne la roue… En somme, oubliez ce que vous n’êtes pas ! » Et vous ? Ai-je demandé ? Existez-vous vraiment ? « Bien sûr que non, brave bête ! » a-t-il fini par avouer. Cette franchise m’a rassuré deux secondes, puis, sans problème, le trouble a repris le dessus. J’ai tâté l’arrière de mon crâne espérant y trouver un soutien ! J’y ai trouvé tout autre chose : proéminence inconnue et douloureuse que je n’avais pas sentie venir ! J’étais foutu ! Un monstre allait surgir de là-dessous, naître de ma chair et tout faire exploser au passage ! Cette simple bosse portait en elle le fruit qui une fois mûr ferait de moi un légume ! Et si c’était le cancer le plus fulgurant de tous les temps ? Heure de gloire autopsique ? Et pourquoi pas une petite ligne dans les manuels médicaux ? L’idée était séduisante. Je me couchai là-dessus.